Publié le 09/06/2023 par Alexandrine Douet – Informateur Judiciaire
Comment les tiers-lieux peuvent dynamiser les territoires
Le 31 mai dernier, les représentants des tiers-lieux vendéens se sont réunis à Sèvremont au Centre permanent d’initiatives pour l’environnement Sèvre et Bocage, pour une journée d’échanges et de témoignages, organisé par le Pôle ESS Vendée, en partenariat avec le Cress des Pays de la Loire[1]. L’événement s’est intéressé à la façon dont ces espaces de travail partagé peuvent s’inscrire au cœur des transitions en milieu rural, avec l’exemple de deux initiatives récentes dans le Pays de Pouzauges.
« Les tiers-lieux sont le visage de la France qui se réinvente au quotidien. » Le 27 août 2021, l’ancien Premier ministre Jean Castex, en visite dans le Calvados, saluait ainsi l’essor de ces lieux hybrides, à mi-chemin entre le domicile et le travail, et annonçait le déblocage de 130 M€ afin de soutenir leur développement. En quelques années et tout particulièrement depuis la crise sanitaire, le nombre de tiers-lieux n’a cessé d’augmenter, passant de 1 800 en 2018 à près de 3 500[2] en 2023, dont la moitié dans les territoires ruraux.
« Un espace de partage, de mutualisation et de synergies »
Mais tout d’abord, que recouvre ce terme ? Selon Ludovic Bertina, coordinateur au sein du Collège des transitions écologiques et sociétales[3], « les tiers-lieux, qui réunissent une communauté d’acteurs publics et privés ainsi que les habitants d’un territoire, ont pour mission de réfléchir aux façons de gérer ou de créer des ressources collectivement. » Pour Morgane Gabard, chargée de mission Écologie industrielle territoriale au sein de la communauté de communes du Pays de Pouzauges, « il s’agit d’un espace de partage, de mutualisation et de synergies autour de différentes thématiques, dont le modèle économique peut être associatif ou bien coopératif, avec la possibilité de générer un chiffre d’affaires en proposant des services ou encore des formations ».
Un écosystème pour répondre aux besoins du territoire
Morgane Gabard vient ainsi évoquer la genèse du projet Les Sens du Bois porté par la communauté de communes, ainsi que par le groupe Estille via sa filiale Renovpal et deux entrepreneurs privés. Implanté sur d’anciennes friches industrielles acquises par l’intercommunalité en 2022, ce tiers-lieu qui doit ouvrir ses portes avant la fin de l’année, a pour ambition de dynamiser l’économie du Pays de Pouzauges en mettant en place une véritable filière dédiée au bois.
« Au sein du territoire, il y a depuis plusieurs années une démarche autour de la filière bois, notamment la gestion durable des haies (qui étaient jusqu’à présent valorisées en bois de chauffage, NDLR). Puis nous avons eu de plus en plus de retours d’acteurs du territoire qui évoquaient l’idée d’une transformation du bois d’œuvre. Un groupe de travail a ainsi vu le jour en 2021. L’an dernier, avec nos partenaires nous avons été lauréats d’un appel à manifestation d’intérêt Manufactures de proximité[4]. Ce qui a été un véritable accélérateur. » Ce tiers-lieu, dont le modèle économique est celui d’une Scic (société coopérative d’intérêt collectif), a pour vocation de mettre à disposition du matériel pour les porteurs de projet (artisans, TPE…) avec l’accompagnement d’organismes tels que le Pôle ESS (réseau de développement et de promotion de l’Économie sociale et solidaire) la coopérative l’Ouvre-Boîtes et Initiative Vendée Bocage, ou encore de dispenser des formations, afin de répondre notamment aux besoins de main-d’œuvre des entreprises du territoire.
Un lieu d’expérimentation
Dominique Ouachain fait lui partie du collectif à l’origine du projet la Grange Oz’hirondelles, éco-lieu qui a pour objectif de faire revivre le hameau du Moulin Bureau situé à Montournais. « Nous souhaitons que cet endroit soit un lieu d’expérimentation, dédié à l’inspiration, à la créativité, en lien avec la nature. Dans le même temps, nous voulons réinventer les manières de travailler et de vivre ensemble. » L’histoire a commencé par l’acquisition en 2019, d’une vieille bâtisse, inoccupée depuis un siècle. En 2020, une association a été créée. Soutenue notamment par la coopérative Oasis et habitat participatif France, la structure s’est fixée pour objectif de créer du lien en milieu rural, en proposant des formations en agroécologie ou encore en organisant des chantiers participatifs, deux à trois fois par an, pour la rénovation de la bâtisse, avec l’utilisation notamment de matériaux de récupération. « Notre responsabilité est de partager nos activités autour de trois axes principaux : transition, transmission et transformation. La transformation implique un changement dans notre manière de penser et d’agir en coopération et intelligence collective. » À terme, la Grange Oz’hirondelles devrait proposer une offre d’hébergement (particuliers, groupe, bénévoles…) avec en ligne de mire l’obtention du label “Accueil Paysan”, réseau d’agritourisme éthique et solidaire.
« Il faut oser le changement »
« À tous ceux qui souhaitent se lancer à leur tour, je leur dis qu’il faut oser le changement, conseille Laurent Desnhoues du CPIE Sèvre et Bocage. Ce n’est pas forcément simple, parce qu’il y a beaucoup de résistance et de résilience dans nos systèmes. Mais il faut dépasser tout ça et faire des propositions différentes qui peuvent déboucher sur des solutions d’avenir pour les territoires. En matière de transition, il n’y a pas de petits projets, pas de petites actions. Une initiative individuelle ou d’un petit groupe peut rapidement prendre de l’ampleur et dépasser le premier cercle d’initiés pour devenir un véritable projet collectif. »
Auteur : Alexandrine DOUET – Informateur Judiciaire
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